Le Guerrier !
Rien que son nom capte notre attention, car cela résonne avec quelque chose de fondamental, de profond en nous. Chaque homme a, à un moment ou à un autre, expérimenté l’esprit du Guerrier en lui, ou en a éprouvé le désir. Qui n’a pas senti cette force, cette puissance brute et sauvage, venue de ses tripes, prête à exploser, bondir, frapper ? Que ce soit en se défendant contre un tyran dans la cour de récréation ou en protégeant l’honneur et la sécurité de sa famille à l’âge adulte, nous avons tous eu un aperçu de cette énergie du Guerrier qui fascine et répugne tout autant.
Même si la société moderne peut parfois entrer en conflit avec les valeurs et les fonctions du Guerrier, en voulant l’annihiler, celles-ci ne pourront jamais disparaitre, car elles font partie intégrante de notre être. Comme le voudraient différentes personnes qui désirent bien faire pour la société ; à tort et par ignorance ; on ne peut pas simplement voter pour éliminer le Guerrier de notre vie.
Son énergie peut se mettre en veille certes, s’harmoniser en nous, mais elle ne disparaîtra jamais entièrement car elle est la source de vie qui nous pousse à agir dans ce monde. Dans de précédents articles sur les archétypes masculins, je vous ai parlé du roi et du magicien, sans toutefois aborder leurs ombres. C’est pourquoi, je vous parlerais pour cette fois, du guerrier dans sa totalité.
Pour cela, il faut revenir à sa dynamique énergétique et sortir de la projection et du fantasme. C’est tout d’abord une énergie de vie, celle qui nait dans le bassin, dans le chakra sacré. Une puissance liée à la terre et à l’ancrage, qui est indissociable de la force de Vie qui nous pousse dans la survie biologique. Ce sont un peu nos battements de cœur, nos poumons qui respirent, et tous les échanges cellulaires… en fait l’énergie du Guerrier, c’est la Vie en nous.
Le principe lié à cette énergie du guerrier est l’action. Pas seulement l’action extérieure, mais aussi toutes les actions biologiques qui se passent en nous. Comprenez donc ici que détruire l’énergie du guerrier chez un être reviendrait à vouloir que son cœur s’arrête, que le mouvement de la vie en soi s’arrête !
Donc le guerrier amène l’action. Il est là pour agir, bouger, mettre les choses en mouvement, les faire avancer, car il bouillonne de cette énergie qu’il ne sait bien évidemment pas encore canaliser.
Cette énergie va en premier être mise au service de sa survie, de ses instincts primordiaux. Reprochez vous à un lion de chasser une proie dans la savane pour nourrir ses petits ? ou à un gorille de protéger son clan des prédateurs ?
Nous commençons à entrevoir une des caractéristiques de cette énergie qui est de se mettre au service de plus grand que lui, l’entièreté du corps pour commencer, puis une famille, un clan, une cause, une idéologie. Et c’est là tout son paradoxe car il vient réveiller une force primale, qui va être son moteur pour la mettre au service d’un idéal qui parfois le dépasse.
Comme elle se met en mouvement et agit, c’est une énergie qui va venir trancher, séparer, couper ce qui doit l’être pour que la vie continue, un peu à la manière de l’Arcane sans Nom dans le tarot. C’est le pouvoir de dire non, stop, de montrer où est la limite dans une situation, dans une relation. C’est l’énergie qui permet que je me respecte sur tous les domaines. Et c’est aussi l’énergie de l’homme qui prend l’enfant et l’emmène du monde maternel pour aller dans le rituel de passage du garçon à l’âge adulte.
Par cette fonction séparatrice, l’énergie du guerrier vient établir et défendre la frontière.
Le guerrier est donc le gardien de la frontière, la sentinelle sur le rempart, qui veille à ce que le royaume, son propre espace (le pays, la famille, le corps ou l’intégrité psychique) ne soit pas envahi.
Il accepte ce rôle ingrat dans la solitude et la servitude. Pendant que les autres festoient avec insouciance, il est sur le rempart à repousser les assauts, avec une vigilance constante.
C’est d’ailleurs pourquoi il est alerte et éveillé, toujours sur ses gardes, prêt pour une action qui peut survenir à n’importe quel moment. C’est une énergie de courage, d’endurance, d’abnégation. Elle permet de concentrer son esprit, évaluer les circonstances, calculer ses avantages et ses faiblesses et élaborer une stratégie afin que ses efforts soient dirigés de manière optimale pour triompher.
Nous pouvons retrouver cette énergie dans le monde commercial qui nous entoure, avec sa stratégie et sa guerre des marques, mais aussi dans le monde sportif et le culte de la performance.
En fait, comme son nom l’indique, le guerrier passe sa vie à se préparer pour la guerre, cette action à venir. Le guerrier s’entraîne en permanence pour développer sa force, son adresse, sa puissance et sa précision, même s’il se prépare toute son existence pour mettre ses compétences au service d’une action qui va durer 20 secondes (Les jeux olympiques par exemple).
Pour cela, et bien qu’il soit fort, il ne compte seulement pas sur la force brute. C’est pourquoi il maîtrise toutes les facettes de son domaine, aussi bien les différentes armes dont il dispose, comme les technologies de pointe liées à celui-ci. Outre le fait de savoir s’adapter en permanence à son ennemi, au terrain, à l’évolution des outils, le Guerrier se forge un mental d’acier afin de supporter l’insupportable. Le guerrier exerce avec discipline un contrôle sur son esprit, ses attitudes et sur son corps. Un peu à l’image de l’Arcane de la Force dans le tarot qui a su dépasser ses pulsions.
Mais voilà, sur un champ de bataille, le guerrier doit anesthésier ses émotions pour être performant… et survivre ! Ses décisions sont basées exclusivement sur ce qui fera avancer sa mission. C’est pourquoi, il élude la conscience de soi. Il ne pense pas à ce qui n’est pas en lien avec l’action du moment, ne cherche pas à ressentir des émotions, parce que cela peut conduire au doute. Le doute peut le conduire à l’hésitation et à l’inaction. Et s’il tarde à agir, il se fait faucher par la défaite ou la mort.
Ce détachement contribue à alimenter sa bravoure et lui permet d’aller jusqu’au sacrifice afin de réaliser sa mission. Il lui permet d’agir avec force, rapidité et efficacité, sans tenir compte de ses propres préférences. Par ailleurs, la pratique de ce détachement lui permet d’acquérir une certaine vision et une clarté d’esprit. Il bénéficie d’une forme de discernement qui lui permet de ne pas rêver mais d’observer la situation avec pragmatisme.
Comme tous les archétypes masculins, l’énergie du guerrier peut être déséquilibrée. Elle peut alors se retrouver en excès ou en vide, et le guerrier devient soit sadique et cruel, soit masochiste et lâche.
Le sadique est une énergie qui se met à devenir accro à cette expression de dureté du guerrier. Nous avons alors un guerrier qui s’exprime trop, trop souvent, avec une intensité inappropriée aux circonstances extérieures. L’homme dans cette énergie ne s’écoute tellement plus qu’il va imposer aux autres le fait de faire de même. Il va commencer à infliger destruction et souffrance sans se soucier d’objectifs plus vastes.
Comme il vit dans la peur d’être faible, cela le conduit à des actes de brutalité. Il va avoir soif de sang et va commencer à aimer ce sentiment de puissance que lui procurent la violence et la cruauté qu’il exerce sur l’autre. Le sadique va devenir cinglant avec tout le monde, dépréciant et critiquant l’autre pour ses manquements ou faiblesses.
Il sera très exigeant et donc efficace pour faire avancer les choses, mais il laisse derrière lui une traînée de souffrance, de relations piétinées et d’êtres brisés en installant de la distance avec ceux qui l’entourent. Sa passion pour la destruction et la cruauté lui procure une haine des êtres faibles, impuissants ou vulnérables. Il peut même devenir un véritable bourreau prodiguant maltraitance et harcèlement, prêt à détruire tous les obstacles sur son chemin, quelles qu’en soient les conséquences. Son action, autrefois dirigée et voulue, menée avec stratégie, sera désormais irréfléchie et totalement instinctive.
Le sadique possède un monde intérieur pauvre, car il ne sait plus définir avec finesse ce qu’il ressent. Cette dureté émotionnelle qui lui a permis d’avancer et de réussir devient maintenant sa prison. Il offre au monde le visage d’un être sans cœur, froid, incapable de compassion. Pris à son propre piège, il ne sait plus comment en sortir. A force de contraindre sa sensibilité pour ne pas apparaître comme un être faible, il erre désormais dans une solitude intérieure, un vide émotionnel abyssal.
Le masochiste est une énergie qui va être totalement allergique à cette énergie du Guerrier, qui va la fuir, et ne pourra jamais la mettre en œuvre dans sa vie lorsqu’il sera nécessaire et vital de le faire. N’étant pas assez sûr de sa structure intérieure, sans aucune confiance en lui, le masochiste va projeter cette dernière sur les autres, leur donnant tout pouvoir. Craignant que tout le monde autour de lui soit plus fort et meilleur que lui, il sera alors incapable d’appeler cette énergie en lui, incapable de défendre son territoire, psychologiquement comme physiquement. Il se fera maltraiter, et marcher sur les pieds continuellement sans rien dire.
Une personne dans cette énergie aura tendance à être déprimé, manquant de vigueur. Elle laissera facilement à l’autre la possibilité de dépasser les limites de ce qu’elle peut tolérer, encaisser en devenant une victime.
Comme elle n’a pas la capacité d’endurer la douleur ou le désagrément nécessaire à l’accomplissement de n’importe quel but valable, elle sera défaitiste, pessimiste et s’estimera déjà vaincu avant même d’avoir commencé. Une personne dans cette énergie rêve beaucoup mais n’est pas en mesure d’agir de façon décisive pour réaliser ses rêves.
Le masochiste ne sait pas ce que c’est de se respecter, ni de se faire respecter. À cause de ce manque de pertinence, il ne saura jamais quand quitter une relation toxique, un travail frustrant, une relation ou une situation stérile. S’il doit y avoir un bouc émissaire dans un groupe, cible de toutes les blagues, ce sera lui. De toute façon, il n’a pas de réparti et se laisse volontiers faire.
En fait, il va ôter de son existence, tout ce qui peut amener à un conflit. Rien ne sert de lui demander ce qu’il désire, il sera incapable de choisir, de trancher ou de se positionner clairement.
« Tu veux manger où ce soir ? Mais comme tu veux ma chérie ! »
Ou bien d’imposer ou de fixer des limites à ses enfants, qui décideront de tout. Par ce non-positionnement, il insécurisera constamment ceux qui vient autour de lui.
Observez bien que les ombres sont comme des balanciers qui s’équilibrent toujours. Le sadique amène au masochiste, et le masochiste amène au sadique, ce ne sont que des vases communicants avec des phases qui alternent.
En voulant absolument être performant, le guerrier va sombrer peu à peu dans le sadique.
Prenons l’exemple du travail :
J’ai des responsabilités au travail, je veux avoir cette promotion, alors je vais terminer tard, travailler le week-end, oubliant ma famille et mes besoins. De ce fait, je dépasse peu à peu mes limites, m’imposant toujours plus. C’est alors que je deviens masochiste sans m’en rendre compte. J’accepte l’abus, pendant trop longtemps. Et d’un coup j’implose en burn-out, ou j’explose en revenant au sadique, dans une vague incontrôlée de violence verbale ou physique, incapable de canaliser ma colère. Je suis alors devenu la victime de moi-même.
Observez comment vous agissez de la même manière, dans des relations ou tout autre situation, observez à quel moment vous devenez passif dans votre vie, esquivant de vous positionner pour éviter un conflit.
Cet archétype est célébré dans les cultures du monde entier, dans les films, les histoires et les allégories. C’est le personnage qui se sacrifie pour une cause, risque sa sécurité et incarne les plus grandes valeurs de la culture aussi bien antique que moderne.
Quelque chose en nous, nous pousse toujours à honorer cet archétype chez les guerriers modernes, sportifs professionnels, entrepreneurs, forces spéciales, anciens combattants…car instinctivement nous savons qu’il est nécessaire à notre équilibre.
Complètement liée à puissance primale, à cette force de Vie qui jaillit de nos racines et qui nous pousse à agir dans le monde, elle ne peut être réprimée. Sans cette énergie du Guerrier, nous devenons incapables de respecter des limites, de poser un cadre, des règles. La dissimuler en nous, ou la nier est le meilleur moyen de se construire un psychisme brisé, apathique. L’aiguiser trop fortement n’est pas mieux en nourrissant le destructeur qui n’a plus aucune limite.
Liée à l’énergie de la colère, il est important de la cadrer et de l’harmoniser afin de faire naître en nous la puissance de la « sainte colère » lorsqu’elle sous les ordres de son Roi bienveillant. Effectivement la colère peut être une force positive quand elle est comprise et utilisée de manière constructrice. C’est une énergie de feu et de transformation, qui permet de retrouver son intégrité, de poser des limites saines, en se respectant et, surtout, de se reconnecter à son énergie vitale en la laissant circuler librement en soi.
Pour réaliser cela, il va être crucial de s’observer et reconnaitre en soi, à quels moments je joue le jeu du sadique ou du lâche, afin de prendre conscience de mes schémas comportementaux. Oui parfois le Guerrier peut être destructeur. Mais s’il est au service de l’énergie du Roi en soi, il ne détruit que ce qui est nécessaire, jamais sans but, mais afin de reconstruire du nouveau pour que le meilleur puisse émerger.
Notre défi en tant qu’hommes est de puiser dans notre énergie de guerrier avec sagesse, car elle nous aide à traverser l’obscurité de l’épreuve, de l’inconnu, nous donne la force d’affronter nos démons intérieurs, nos limitations, nos peurs, nos croyances limitantes et d’oser faire face à sa vulnérabilité. Un guerrier équilibré est un protecteur, un défenseur, véritable gardien du vivant, il veille sur ceux qui ne peuvent se protéger seul. Il n’a plus de temps à perdre avec les mesquineries, les querelles ou l’ego personnel, ne se cache pas devant les difficultés et les obstacles que la vie lui lance, et les affronte de face en agissant pour son royaume (corps, esprit, énergie), sa famille, ses amis, sa communauté, son travail. C’est un peu son fardeau et son privilège.