Les archétype de l'enfant : l’œdipien

Après avoir rencontré l’enfant précoce, qui pousse le garçon à explorer le monde, à le comprendre, à développer sa conscience de la « terra incognita », quitte à en écraser l’autre, voilà qu’une nouvelle étape arrive jusqu’à lui. Ne pouvant pas tout expliquer, décortiquer ou comprendre, le voilà désormais face à une nouvelle énergie, celle de l’enfant œdipien, qui va lui parler de son lien avec le mystère du vivant, de sa sensibilité et de son lien au féminin en lui et à l’extérieur.

L'enfant œdipien

Après s’être connecté à l’enfant divin et à l’enfant précoce, voici que le garçon est prêt à rencontrer le troisième des archétypes qui le composent : l’enfant œdipien.

L’énergie de ce dernier va mettre en action son sens de l’unité mystique et de la communion avec l’intégralité du vivant et du cosmos. Le garçon va devenir passionné, sensible, chaleureux, affectueux, capable de capter et de ressentir l’invisible. L’enfant œdipien, va lui permettre de découvrir par lui-même le sens du merveilleux, la connexion avec ses profondeurs intérieures, comme avec celles des autres et toutes choses autour de lui. C’est par l’enfant œdipien qu’il va expérimenter l’accès et le lien à la Mère divine, infiniment bonne et nourrissante. Cette Mère qu’il sent vibrer au-delà de la sienne, au-delà de toute la beauté des choses du monde, et qu’il éprouve dans les sentiments profonds et les images de sa vie intérieure est la Grande Mère, la Déesse sous ses nombreuses formes. Elle symbolise l’Eros, cette force de vie qui pousse à la reliance.

À travers l’expérience de connexion à cette Mère divine, mélange de sa mère biologique, de la grande nature et de la Mère majestueuse (idéal archétypal auquel il aspire profondément) le garçon va exprimer les origines de ce que nous pourrons appeler spiritualité.

Mais le garçon va aussi devoir expérimenter une coupure, qui le blessera pour toujours. Sa mère biologique, qu’il mettra sur un piédestal dès sa naissance sera obligée de le décevoir à un moment dans son besoin de connexion, de perfection, d’infini et d’amour. Sa mère n’est pas, ne peut pas et ne sera jamais la Mère divine incarnée. Ce n’est qu’ à travers lui-même qu’il devra alors trouver le lien, son lien à la Grande Mère.

Le fils à maman

L’enfant œdipien qui va être en excès de yang, en excès d’identité, va se transformer par moment en fils à maman. Cet archétype va venir chercher à combler la blessure liée à la mère par une quête insatiable et compulsive.
Lorsqu’il sera jeune, le garçon sera attaché au tablier de sa mère avec laquelle il va développer une sorte de fusion. Il sera dans ce que Freud appelle le complexe d’Œdipe, ce fantasme qui pousse le garçon à remplacer le père et à vouloir se marier avec la mère. Pour chaque enfant le père est un Dieu, et la mère une Déesse, mais l’enfant est trop lié à sa mère nourricière pour la blesser.

Plus tard, lorsqu’il atteindra une maturité sexuelle, le garçon sera souvent pris dans une poursuite du beau, qu’il exprimera inconsciemment dans le désir d’union d’une femme à l’autre. Le voici totalement possédé par le syndrome du Don Juan. Il ne peut alors pas se satisfaire d’une seule femme, qui est mortelle et limitée, car il recherche la Mère divine à travers elle. Le garçon va devenir auto-érotique, et cherchera à expérimenter son pouvoir phallique. Il plongera dans la masturbation compulsive, dans la pornographie, juste pour être et exister, collectionnera les images de femmes nues, seules ou avec d‘autres hommes, tentant désespérément de trouver la déesse dans l’infinité des corps de femmes, en vain.

Mais au lieu d’affirmer sa propre masculinité en tant qu’homme mortel, le fils à maman cherche réellement à expérimenter le pénis de Dieu, qui désire expérimenter toutes les femmes, ou plutôt qui cherche l’union avec la Déesse Mère dans son infinité de formes féminines.

En fin de compte, le fils à maman ne veut pas faire ce qu’il faut pour vraiment s’unir avec une femme, et ainsi faire face à tous les sentiments complexes impliqués dans une relation intime comme dans du quotidien. Car se responsabiliser dans une relation, demande d’assumer ses propres ressentis et de savoir les partager avec authenticité.

Cette ombre yang de l’enfant œdipien sera encore renforcée s’il n’y a pas eu de père dans le foyer ou si celui-ci est faible et ne prend pas sa place d’homme. Cette dynamique s’active fortement avec une mère surprotectrice qui ne laisse pas le garçon expérimenter par lui-même. Cela va amener l’enfant à ne rien respecter, ni son environnement, ni les autres, car le lien avec une mère omniprésente va constamment le déresponsabiliser. Ce lien toxique ne lui permet plus de savoir ce qui est bon pour lui, ni d’établir un lien personnel avec le monde spirituel. Au lieu de s’en remettre à son ressenti, il se plie constamment au ressenti de sa toute puissante mère terrestre qui veut le garder inconsciemment auprès d’elle.

Le rêveur

L’enfant œdipien qui va être en excès de yin, en vide d’identité, va se transformer par moment en rêveur. Cet archétype va venir chercher à combler la blessure de la déception liée à la mère par un repli sur soi, pétri d’idéal et d’imaginaire.

C’est un enfant qui porte son impulsion spirituelle à l’extrême. Passif, réservé, il passe son temps à rechercher activement une Mère. C’est un peu comme si il savait déjà que sa mère terrestre ne pourra pas combler ses besoins, et qu’il essaye sans le savoir de se relier à plus grand que lui.

Le rêveur est un garçon qui se sent isolé, coupé de toutes les relations humaines, comme dans une bulle. Il accomplit peu de choses, semble retiré et semble parfois déprimé, comme si la vie réelle était trop difficile à vivre. Pendant que les autres enfants jouent, lui peut être assis, en rêvant sa vie. Il est pleinement en relation avec les choses immatérielles et avec le monde de l’imagination à l’intérieur de lui, et ses rêves ont tendance à être mélancoliques, d’une part, ou très idyllique et éthérée de l’autre.

D’une grande sensibilité, il n’est pas à l’aise dans son corps, ni dans tout ce qui touche à la matière. Ses projets ont du mal à s’incarner, car l’idéal sera toujours plus beau, plus grand, plus intense que ce que l’on peut réaliser en vrai. Mal à l’aise avec le féminin incarnée, il est gauche, timide et n’ose pas se mettre en avant.

Comme nous l’avons vu avec les autres ombres bipolaires des archétypes, le pôle yin de l’enfant œdipien, est inconsciemment malhonnête. Il cache sa propre grandeur et l’idéal puissant qu’il a de la Mère divine sous sa dépression chronique. Sous le masque de son comportement isolé et inaccessible, se cache l’impulsion inassouvie du fils à maman. Déçu par sa mère, pâle représentation de la Mère divine qu’il ne peut même pas posséder, le rêveur idéalise ensuite tellement à l’extrême la Grande Mère, qu’il réside en permanence dans son incapacité à être en relation avec le féminin.

Comment accéder à l'enfant œdipien équilibré

Avec le complexe d’Œdipe, apparaît un conflit lié au tabou de l’inceste : le garçon veut posséder sa mère, et pour cela il doit détruire un rival, son père. Mais comme il aime son père et l’admire, voilà que se créée en lui un conflit important duquel l’enfant doit sortir.

Le stade œdipien est une étape fondatrice des histoires et des relations à venir de l’enfant. Si ce n’est pas résolu, on choisira quelqu’un pour rejouer cette relation.

Pour que le garçon puisse se réaliser dans l’enfant œdipien, les parents doivent lui montrer qu’ils forment un couple en offrant l’image d’une union harmonieuse, symbole extérieur de l’alliance du yin et yang, du masculin et féminin, qui se vit intérieurement en lui.

Lorsque l’exemple parental n’est pas harmonieux, aimant et attentif l’un envers l’autre, il se crée un déséquilibre qui va perturber le garçon dans sa relation au féminin et à sa reliance cosmique.

Même en cas de séparation, il faut essayer de toujours former un couple parental pour l’enfant. Par exemple, si la mère a un problème avec son garçon, elle doit pouvoir appeler son père, pour que ce dernier soit présent. Quoiqu’il arrive, le père doit donner des signaux qui indiquent qu’il s’occupe de la mère, sinon l’enfant va vouloir prendre cette place, compenser le déséquilibre et se sentira tout puissant pour posséder cette dernière. Mais cette possession est empreinte de culpabilité puisque l’autre est trop proche, et cette culpabilité se manifestera à travers de l’agressivité.

Comme nous l’avons vu, si la mère est trop présente, invasive (dans un cas où le père est absent, physiquement ou psychiquement) , il cherchera à se défaire vainement de ce lien fusionnel par la compulsion éternellement inassouvie qui amènera de la violence ou par le rêve idéalisé.

Pour se détacher de ce complexe, et passer par-dessus le fait de posséder la mère, le garçon aura besoin de deux choses :

D’abord d’avoir un père présent et attentionné qui lui montre comment être en relation avec le féminin, et comment être comblé par lui, afin qu’il puisse s’identifier pleinement à lui comme exemple de masculinité. De ce fait, la place auprès de la mère étant prise, l’enfant peut commencer à rompre le cordon et s’envoler pour rechercher un exemple de féminin qui lui convient. Le père qui était un rival va alors devenir l’objet à imiter pour s’approprier sa puissance.

Puis le garçon va ensuite devoir apprendre à faire descendre la mère de son piédestal de toute puissance, pour être capable de contacter le désagréable en elle, le reconnaître et l’accepter. Mais la rejeter ne veut pas dire ne plus aimer, cela veut dire rendre sa place à chacun. Elle aussi, doit être capable de le prendre dans ses bras et de lui dire de vivre sa vie et d’être heureux avec une compagne. Grâce à sa bénédiction, le garçon pourra alors regarder sa mère avec objectivité et se dire qu’il peut prendre ses distances, aller chercher ailleurs quelqu’un d’autre et que ce n’est pas la trahir.