La psyché masculine est constituée de quatre axes principaux, le roi, le magicien, le guerrier et l’amant. En plus de ces quatre énergies archétypales masculines, il en existe d’autres, plus secondaires.
Découvrons ici l’axe de l’homme sauvage et du réprimé, qui va déterminer comment je réagis aux éléments extérieurs.
La première forme d’énergie archétypale que l’enfant rencontre dans son chemin de vie, est celle de l’enfant divin. Comme nous allons le voir ici, cette expérimentation, véritable initiation de l’incarnation dans la matière, va venir sceller les bases de notre blessure primordiale.
L’enfant divin possède deux caractéristiques inhérentes à son état, et qui sont paradoxales : La toute-puissance et la vulnérabilité.
La toute-puissance vient de sa reliance au divin. L’âme incarnée dans ce corps étrange est encore dans une période de reliance totale, énergétique et sans mental aucun. Parce que l »enfant qui vient de naître est en lien direct avec la vie, pour lui, tout est simple et facile. Chaque instant est fluide. Il est dans une magie de la vie, et vit chacune de ses expériences pleinement. Il passe de l’une à l’autre, à cent pour cent, quittant dans l’instant un état émotionnel pour un autre, sans rien retenir. Le nourrisson inspire l’amour, rayonne et transmet une énergie de créativité, de spontanéité et d’émerveillement. Le monde s’organise autour de lui, comme s’il portait, enfouie au plus profond de lui-même, une vibration de conscience plus élevée.
Mais cette vibration, se cache dans un corps de vermisseau, et c’est alors que la vulnérabilité vient le percuter de plein fouet, par son état même de nourrisson, démuni et faible. L’âme, encore baignée dans le souvenir évanescent de l’état précédent la naissance, se frotte à ce monde incarné, sensitif, potentiellement désagréable et découvre le monde émotionnel qui va avec. Si personne ne vient prendre soin de lui, ce corps qu’il découvre ne peut aucunement lui servir de véhicule. Voilà qu’il faut quitter le douillet plan de la toute-puissance de l’esprit pour atterrir dans un amas de matière en devenir, soumis aux lois du temps et de l’espace, et amnésique de surcroit !Â
Mais voilà , ce n’est pas tout.
Ce monde de la matière est de plus soumis à une loi primordiale qui est l’immuable: l’impermanence !
L’alternance rythmée de la pulsation permet ainsi d’expérimenter le vide et le plein, le yin et le yang.
Effectivement, pour l’être humain que nous sommes, accéder au monde se réalise par le souffle. La respiration est donc notre première expérience avec l’impermanence et restera tout au long de notre périple, le lien cosmique qui nous relie au tout, au rythme, à l’essence de la vie. C’est dans la dynamique corporelle originelle de l’inspir et de l’expir que se fige la première blessure de l’enfant.
Mais revenons un peu sur ce phénomène qu’est la respiration.
Chaque fois que nous inspirons, on donne de l’énergie à notre corps. On le nourrit, l’informe, le dynamise. On capte des informations venues de l’extérieur, des ressentis qui se transforment en émotions. On reçoit les forces vitales de l’univers, on s’ouvre à une force plus grande que soi. Inspirer c’est oser vivre.
Chaque fois que nous expirons, nous éliminons un contenu, relâchons une tension ou une toxine, quelque chose de nuisible. L’expiration libère les maux retenus, et offre une voie de sortie à ce qui n’est pas exprimé. Expirer, c’est aussi un acte de foi, c’est oser prendre le risque de perdre, et espérer que ce qui a été libéré participe à quelque chose de constructif.
En médecine traditionnelle chinoise, le premier méridien est celui du poumon, lié au principe du métal. Il assure, tel un bouclier, la protection de l’organisme. Le poumon gouverne le qi  et la respiration (interne et externe), c’est pour cette raison, mais également parce qu’il contrôle la peau, qu’il sert d’intermédiaire entre l’organisme et l’environnement extérieur. Il gère aussi la cicatrisation, le système immunitaire instinctif et règle l’ouverture et la fermeture des pores, ainsi que la transpiration. En résumé, il assure « l’entrée-sortie » et la libre circulation du qi, et règle les échanges de qi entre le corps et l’environnement extérieur.
Sans aller dans le détail des fonctions de descente ou de dispersion du poumon, si l’énergie générale du poumon est faible, la personne est facilement envahie par les facteurs pathogènes externes, et si l’énergie générale du poumon est fort, l’individu présente une bonne résistance aux attaques externes.
Dans la symbolique, le poumon porte aussi l’énergie de la noblesse, les valeurs d’intégrité, de la rectitude et du flegme. Il représente l’énergie de l’espace vital que l’on se permet ainsi que celle de la valeur que l’on se donne, l’énergie des choix et la capacité à trancher dans la vie (principe du métal). Par le caractère droit et noble, le poumon donne la rigidité du tranchant, mais aussi induit une difficulté par rapport à l’adaptation souple, l’imprévu est difficile à gérer et le risque est de générer une introversion qui enferme l’individu.
Le poumon donc vient nous parler ici de notre capacité ou de notre difficulté à se protéger des agressions du monde extérieur, réelles ou imaginaires, comme du sens du territoire et des limites que l’individu est capable de poser dans la relation et dans sa vie.
La polarité de la blessure primordiale de l’enfant divin s’inscrit donc ici, dans la respiration.
Me suis-je figé dans l’inspir, pour me protéger sous une armure, ou me suis-je plutôt figé dans l’expir, en rejetant tout ce qui ne me convient pas ?
Selon le cas, je vais alors cristalliser une tonalité énergétique plutôt en vide ou plutôt en excès. Cette tonalité se traduira ensuite dans la dynamique des archétypes masculins, à travers les ombres yin, celles qui démontrent un vide de personnalité et qui cherchent à se protéger par la « victimite », ou par les ombres yang, caractérisées par un excès de personnalité, et qui se protègent par la force.
Mais bien avant de polariser les ombres des archétypes de l’enfant ou de l’homme, ces deux blessures sont révélées dans un axe particulier, celui de l’homme sauvage et du réprimé. Dans la roue initiatique des archétypes, cet axe transversal, situé pour l’homme sauvage, entre le roi et l’amant, et pour le réprimé, entre le guerrier et le magicien, nous montre l’identité de la blessure. Il vient nous parler de la manière dont nous agissons face à la fluidité de la vie.
Une personne dans la position du réprimé s’est figée dans une posture d’inspir. Ses ressentis sont souvent bloqués et elle paraît blindée, hermétique à son mode émotionnel. Sa caractéristique va être de prendre une grande inspiration avant un moment jugé délicat.
Par peur de vivre, elle a du mal à accueillir la vie, et cherche désespérément à la garder à l’intérieur. Souvent en apnée, comme si elle allait manquer de force, elle ne peut rien lâcher. Pour elle, lâcher (un mot, une émotion, ..) signifie la perte, la fuite de la vie … la mort. Par peur de manquer, elle se coupe volontairement du flux de la vie.
Le réprimé expérimente la frustration, la paralysie, l’impossibilité de s’exprimer. Pris dans les interdits familiaux, les dogmes, les injonctions, il s’enferme dans son antre, son armure protectrice. La dureté de ses croyances rend sa peau intérieure de plus en plus dure et étouffe ses pulsions. La honte et le tabou le traumatisent tellement qu’il n’ose pas vivre, il refoule ses envies, ses désirs, de peur de les voir fouler aux pieds par l’autre. Le réprimé est dans un état de non-vie, de retenue permanente, tout est sous contrôle. L’être craintif qu’il est devenu, s’exclut du monde et se rétracte dans son territoire. Il ne peut donc plus être inspiré, fécondé par la vie et ses opportunités.
D’ailleurs quand l’énergie du poumon ne peut pas descendre, et que le qi s’accumule dans la poitrine, l’énergie stagne dans le cÅ“ur provoquant une sensation d’oppression dans la poitrine. Comme le chevalier à l’armure rouillée, de Robert Fischer, ce qui protège devient rapidement ce qui emprisonne :
« Son armure l’empêchait de trop ressentir les choses, il la portait depuis si longtemps qu’il avait oublié comment on les ressentait sans elle »
 » Tu as terriblement peur. Evidemment, c’est la principale raison qui t’a poussé à mettre ton armure au-dessus de tout. »
 » Je resterai ici le temps d’apprendre à sortir de cette armure, dit le chevalier. Lorsque tu auras appris cela, affirma Merlin, tu n’auras plus jamais besoin de monter sur ton cheval pour galoper dans toutes les directions »
« Nous sommes presque tous prisonniers d’une armure. Nous dressons des barrières pour protéger ce que nous pensons être. Puis, un jour, nous nous retrouvons coincés derrière ces barrières et nous n’arrivons plus à en sortir… »
Paradoxalement, le réprimé se réalise dans l’action, seul échappatoire pour « souffler » un peu. Il cavale en tous sens, galope à la moindre brise de vent.
Poussé à l’extrême, cet archétype peut se transformer en sacrifié, ou mort-vivant. Dans l’inconscient collectif, il est le chevalier noir, impitoyable, sanguinaire et froid. Il est la main armée de l’ombre. Soumis aux ordres du magicien noir, il avance le visage masqué, anonyme, dissimulé derrière une face inerte, à l’image de son âme étouffée.
Une personne bloquée dans la position de l’homme sauvage s’est figée dans une posture d’expir. Ses ressentis sont souvent exacerbés, la vie semble couler à flots en elle, tout comme le monde émotionnel qui la déborde. Sa caractéristique va être de souffler le trop plein avant un moment jugé délicat ou avant de rentrer en relation.
Par peur d’être intrusée, dépassée par ce qu’elle va vivre, elle expulse et exprime en abondance.
Pour l’homme sauvage, prendre sur lui est insupportable. Il incarne la spontanéité, la liberté. Authentique, la force de vie qui le traverse est si forte qu’il ne peut rien retenir. Il fait ce qu’il lui semble juste pour lui, sans tabou, sans honte ni jugement. On le remarque, car il parle et fait des vagues. Contrairement au réprimé qui porte une armure froide, l’homme sauvage semble ne pas avoir de peau, il est à vif. Il capte tellement qu’il va chercher à éliminer ce qui le traverse, perçu comme un excès, parfois avant même que cela ne se soit passé. Il est une sorte de catalyseur du monde subtil.
Petit, il aura eu toutes les maladies existantes: j’ai tout fais (j’étouffais) dira t-il !
Mais l’expression libre et sauvage qui le caractérise et le protège devient rapidement là aussi, ce qui l’emprisonne, et son indiscipline finit par devenir destructrice, car il ne retient rien de ce qui le traverse.
Paradoxalement, l’homme sauvage se réalise dans l’inaction, seul échappatoire pour « respirer » un peu.
Poussé à l’extrême, cet archétype peut se transformer en rebelle, réagissant excessivement pour tout et rien, exprimant à l’excès. Dans l’inconscient collectif, il est l’homme vert, cette figure mythologique qui apparaît dans la littérature et les Å“uvres d’art de l’Europe médiévale. Hirsute, couvert de poils, souvent armé d’un gourdin, il constitue un lien entre l’humanité civilisée et les esprits elfiques de la nature sauvage. Coiffé de cornes de cerfs, vêtu de peaux de bêtes ou nu, il est sale et ne respecte aucun code. Associé à Pan, au loup garou, aux démons difformes, il est l’animal en nous, celui qui réagit instinctivement, qui se soumet à ses pulsions sans les juger, choisissant de se laisser toujours traverser par le flux de la vie.
En résumé, cette première blessure, liée à la respiration vient nous parler de la manière dont nous acceptons la fluidité de la vie en nous-même, la manière dont nous acceptons ou réprimons notre nature profonde ? Elle nous montre la capacité que l’on a, à gérer les sentiments d’intrusion, et de quelle manière on s’en protège. Mais elle vient aussi révéler la valeur personnelle que l’on se donne.
Ai-je la capacité à poser des limites et définir un territoire, d’être seul face au monde pour gérer le vide et le plein que je ressens en moi ? Ai-je la noblesse de ne tuer (exprimer) que lorsque c’est nécessaire, et pas par réaction ? Ai-je la puissance de maîtriser mes émotions pour ne pas faire de caprice ? Ai-je la sécurité intérieure nécessaire pour exprimer qui je suis, parce que je sais ce que je vaux ? Sans culpabilité, ni jugement de valeur ?
Cet axe particulier, vient nous parler du traumatisme de notre naissance, lorsque l’on a coupé le cordon avec la source. Pour survivre, nous devons être prêts à accueillir ce que la vie nous propose et décider ce que l’on en fait. Avoir le courage de se donner avec respect et discipline, le territoire et l’espace de vie dans lequel notre noblesse peut s’exprimer, tout en respectant ce que l’autre est.